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Comment discuter entre pro et anti-vaccins ?
Texte mis à jour le 2021-05-03
La première chose à faire c’est d’écouter l’autre ! Si vous avez lu les questions/réponses d’Adios Corona, vous avez sûrement plein d’arguments à apporter. Pour amener une personne à changer de point de vue face à la vaccination, il sera toujours plus efficace de la guider pour la mettre face à ses doutes, contradictions et biais de cognition, que de la prendre de haut ou de la contredire frontalement.
Plusieurs raisons peuvent expliquer la défiance envers la vaccination : un faible niveau de confiance envers les autorités sanitaires ou politiques, la désinformation et la diffusion massive de « fake-news », une attirance de l’humain pour les faits scandaleux, le biais cognitif de confirmation qui fait que les gens sont plus enclins à retenir ce qui confirme leur position et moins enclins à faire attention à ce qui n’irait pas dans le même sens (voir la question Comment nos biais cognitifs nous influencent-ils pendant l’épidémie de COVID-19 ?).
Pendant longtemps, les professionnels de santé ont répondu aux patients vaccino-hésitants par des données factuelles, rappelant l’efficacité des vaccins, leur bonne tolérance et leur innocuité. Malgré la bonne intention de cette démarche, plusieurs études rapportent que ces interventions factuelles s’avèrent pour la plupart peu efficaces et qu’elles peuvent même induire un effet inverse dit «retour de flamme». Ce phénomène apparemment paradoxal mais bien connu des sciences cognitives, consiste au renforcement des croyances profondes du patient face aux explications factuelles les contredisant. Lorsque le professionnel de santé fournit au patient des informations, ce dernier préfère se raccrocher à ses convictions plutôt que de les remettre en question. Ceci diminue son niveau de confiance et peut l’amener à interpréter l’instance ou l’agacement du thérapeute comme le signe évident d’un mécanisme occulte d’un complot.
L’idée pour convaincre de l’intérêt de la vaccination, est de guider la personne avec qui vous parlez vers la prise de conscience de divergences, plutôt que de la contredire. Cela va lui permettre d’explorer les contradictions qui existent et lui donner le pouvoir de prendre des décisions concernant sa santé. Cela nécessite de prendre du temps. Faire culpabiliser une personne en évoquant des faits et des images dramatiques ou l’altruisme sera contre-productif. Le but de cette démarche est que cette personne entre en conflit avec elle-même, pas avec vous ! C’est le doute qui pourra produire un processus de changement de jugement, pour autant que cette personne ne se sente pas poussée dans une direction.
Voici quelques conseils pour échanger avec une personne qui doute de l’intérêt de la vaccination :
- Bien prendre le temps d’écouter cette personne, son point de vue, ses connaissances, ses peurs car c’est à cela que vous allez répondre. Si vous prêtez bien attention à son point de vue, il vous sera d’autant plus facile de trouver les arguments pour l’accompagner à changer d’avis.
- Ne pas prendre la personne de haut mais se situer d’égal à égal. Il est important que chacun puisse remettre en question son point de vue face à de nouvelles données et de nouvelles argumentations. La discussion doit être la plus symétrique possible, pour qu’il y ait une chance que l’un ou l’autre modifie son opinion suite à cet échange.
- Informer la personne en lui donnant les informations complémentaires de manière neutre, tout en évitant la dispute : la contre-argumentation frontale risque de repousser votre locuteur ou locutrice dans une attitude défensive et de renforcer alors sa résistance. La transmission neutre d’informations évite de se placer en opposition. Toutes les craintes sont légitimes et aucun jugement de valeur ne doit être fait à l’expression de ces craintes. Il faut fournir des informations sur les effets indésirables des vaccins par exemple sans essayer de les dissimuler (voir la question Des effets indésirables des vaccins sont-ils attendus ? ).
- Écouter la personne, ce qu’elle tire des informations que vous lui avez fournies. Cette personne doit se sentir libre et valorisée dans ses compétences et son autonomie de décision.
- Laisser le temps de la réflexion, le changement pouvant prendre un peu de temps.
Sources
Une version plus complète de cette question/réponse est disponible ici:
Diana, A., Braillard, O. T. L., Eckert, N., & Sommer, J. M. (2020). Comment répondre à l’hésitation vaccinale de nos patients?. Primary and Hospital Care: Médecine Interne Générale, 20(12), 383-387.L'entretien motivationnel, un outil pour parler avec ceux qui hésitent face à la vaccination.
Gagneur, A., Gosselin, V., & Dubé, È. (2018). Motivational interviewing: A promising tool to address vaccine hesitancy. Vaccine, 36(44), 6553-6555.Une des raisons qui peut expliquer la défiance envers la vaccination est la désinformation et la diffusion de fake news à grande échelle et très rapidement.
Vosoughi, S., Roy, D., & Aral, S. (2018). The spread of true and false news online. Science, 359(6380), 1146-1151.Les méthodes qui ne marchent pas quand on discute avec des parents pour les convaincre de faire vacciner leur enfant.
Henrikson, N. B., Opel, D. J., Grothaus, L., Nelson, J., Scrol, A., Dunn, J., ... & Grossman, D. C. (2015). Physician communication training and parental vaccine hesitancy: a randomized trial. Pediatrics, 136(1), 70-79.Article qui cherche à mieux comprendre pourquoi certaines méthodes pour expliquer la vaccination à des parents ne fonctionnent pas et même produisent l’effet inverse « retour de flamme ».
Thornock, B. (2017). Heralding the pariahs: What the narratives of vaccine hesitant parents can teach us about the backfire effect and physician-patient relationships. Ann Public Health reports, 1(1), 15-21.Cet article étudie l’effet “retour de flamme” après la lecture de messages de journalistes qui corrigent des fausses informations. Cette façon de corriger l’information est souvent contre-productive et peut même augmenter le risque que les gens mémorisent des fausses informations comme étant vraies.
Peter C, Koch T. When Debunking Scientific Myths Fails (and When It Does Not): The Backfire Effect in the Context of Journalistic Coverage and Immediate Judgments as Prevention Strategy. Science Communication 2016;38(1):3–25.Conseils pour répondre à l’hésitation face à la vaccination.
Shen, S. C., & Dubey, V. (2019). Répondre à l’hésitation face à la vaccination: Conseils cliniques à l’intention des médecins de première ligne qui travaillent avec les parents. Canadian Family Physician, 65(3), e91.Une des raisons du refus de la vaccination est le manque de confiance sur les informations qui sont transmises au grand public. Dans cette étude, on a présenté à trois groupes soit (1) l’information générale sur les vaccins, soit (2) l’information générale sur les vaccins + un résumé sur les effets indésirables, soit (3) l’information générale sur les vaccins + un rapport détaillé sur les effets indésirables. On observe dans le groupe 2 une meilleure acceptation du vaccin et une hausse de la confiance dans les autorités sanitaires par rapport au groupe 1. En revanche dans le groupe 3, on observe une baisse de l’acceptation du vaccin et une baisse de la confiance dans les autorités sanitaires.
Scherer LD, Shaffer VA, Patel N, Zikmund-Fisher BJ. Can the vaccine adverse event reporting system be used to increase vaccine acceptance and trust? Vaccine 2016;34(21):2424–9.Etude réalisée en Grande Bretagne qui montre que les individus qui sont hésitants ou réfractaires à la vaccination s’informent sur la COVID-19 significativement plus via les réseaux sociaux que via les journaux, la télévision, la radio et les agences gouvernementales. Par ailleurs, les individus réfractaires aux vaccins ont un niveau de confiance significativement plus faible dans les informations diffusées via les journaux, les émissions de télévision, les émissions de radio, leur médecin, professionnels de la santé et agences gouvernementales que ceux qui acceptent la vaccination
Murphy, J., Vallières, F., Bentall, R. P., Shevlin, M., McBride, O., Hartman, T. K., ... & Hyland, P. (2021). Psychological characteristics associated with COVID-19 vaccine hesitancy and resistance in Ireland and the United Kingdom. Nature communications, 12(1), 1-15.